La tradition des 13 desserts en Provence



Particulièrement vivaces dans l'ensemble de la Provence et dans le Comté de Nice, les traditions de Noël se cristallisent le soir du 24 décembre, pour le « gros souper » devenu le réveillon, qui réunissait autour de la table l'ensemble de la famille, au retour de la messe de minuit. C'est le pape Jules Ier qui, en l’An 337, choisit le 25 décembre pour célébrer la date de la naissance du Christ. Les rites de Noël se généralisèrent au VIIe siècle.

Tous ces rituels ont une symbolique double :
- une, profondément chrétienne : les treize desserts et les treize apôtres, les trois nappes et la sainte Trinité, les fruits secs et les ordres monastiques font un rappel des épisodes de la Bible.
- une autre, plus païenne : croyance en la rencontre avec les morts, avec la «part du pauvre», pauvre signifiant aussi mort. Les miettes de pain et de gâteaux qu’on doit laisser toute la nuit sur la table pour nourrir les armeto, petites âmes des morts, croyances aux mauvais esprits dont on se protège en mettant une part de pain de côté et en relevant après le repas les quatre coins de la nappe pour qu’ils ne mettent pas en danger les petites âmes. Par ailleurs, l’association des multiples fruits des treize desserts fête le solstice d’hiver, notamment ceux dont le séchage a bravé la mort. On sait que la fête de Noël recouvre un ancien rite païen lié au cycle solaire naturel : le passage de la vie à la mort.


Avant de s’attabler, il faut procéder à quelques préparatifs.
D’abord, étaler trois nappes de taille décroissante : une pour le Gros Souper, une pour le repas du jour de Noël, le lendemain midi, composé de viandes, et enfin la dernière pour le soir du 25 où les restes trôneront sur la table. Sur ces nappes, on déposera les blés de la Sainte Barbe, une branche de houx pour apporter le bonheur (mais surtout pas de gui), ainsi que trois bougies. Le pain, posé à l’endroit, sera coupé en trois : la part du pauvre, la part des convives et la part fétiche qu’on conservera dans une armoire. Il ne faudra donc pas oublier de mettre un couvert de plus : le couvert du pauvre. Pauvre, en niçois, désigne aussi celui qui est décédé. La tradition de la part du pauvre pourrait être une survivance de la manne que les Romains offraient à leurs ancêtres.
C’est, au dire de certain, le jour où l’on mange le plus de toute l’année. La soupe de pain et les plats à base de céréales sont remplacés par une entrée et une abondance de poissons et de légumes. Ces céréales se retrouveront en fin de repas sous forme de desserts sucrés et abondants, accompagnés d’alcool. Cette abondance est symbole de plaisir et dépassement des contraintes quotidiennes : elle a un caractère festif.


Après avoir dégusté les sept plats maigres de poissons et de légumes (en souvenir des sept douleurs de la Vierge), on étendra sur «la» table les treize desserts (symboles de Jésus et de ses douze Apôtres) :
- la tourte de blette, la fougasse à la fleur d’oranger de Grasse, la pompe à huile qu’il faut rompre car si on la coupe, on est ruiné dans l’année, la pâte de coings, les tartes aux noix ou à la confiture, le nougat blanc, le nougat noir, les dattes, les fruits confits : oranges, clémentines, melon ou les pâtes de fruits.les fruits secs, symboles des quatre ordres Mendiants : amandes, figues, raisins secs, noix. Les gourmands fabriqueront le «nougat de Capucin» en glissant une noix dans une figue sèche, les mandarines et les oranges. On trouvera aussi les pommes, les poires, et surtout les raisins de Saint-Jeannet mis à conserver avec la cire sur les «pecoul» (le pédoncule) depuis le mois de septembre et les poires au vin cuit.